Pendant trop longtemps, et aujourd’hui encore, les sites sur lesquels des millions d’Africains, hommes, femmes, et enfants, kidnappés et contraints à la déportation dans les Amériques afin d’enrichir les pays occidentaux, en particulier la France, l’Angleterre, l’Espagne, et le Portugal, passèrent avant d’entamer la terrible traversée de l’Océan Atlantique qui devait les mener à leur enfer américain, ont été ignorés et laissés à l’abandon et a l’oubli.
C’est donc avec joie et soulagement qu’Afrocentricity International a appris l’installation, le 6 Juillet dernier, par le gouvernement ivoirien d’une stèle commémorative à Kangah Nianze, un village situé à environ 100 km au Nord de la Côte, particulièrement actif durant la traite négrière. Kanga Nianzé de son vrai nom Goléôh, signifie le lieu où l’on lave les captifs.
Ceci touche Afrocentricity International tout particulièrement puisqu’en Octobre 2013, la Per-aat Universelle, Ama Mazama, et l’Organisateur International, Molefi Kete Asante, s’étaient rendus, en compagnie de membres d’Afrocentricity International Abidjan, a Kangah Nianze, et s’étaient émus de l’état d’abandon et de l’absence de tout marqueur historique sur ce lieu ô combien important, néanmoins, pour l’histoire africaine récente. L’installation d’une stèle commémorative répare donc, au moins en partie, cette situation.
Il est important néanmoins que cet acte de commémoration soit fait dans le bon esprit, afin qu’il ait les retombées historiques, psychologiques et spirituelles escomptées. C’est à ce titre qu’Afrocentricity International s’interroge avec inquiétude sur les propos de M. Bandama, le ministre ivoirien de la culture et de la francophonie dont le département à la responsabilité de la pose de cette stèle, et selon lesquels ce monument vise à établir la culpabilité des Africains du Continent et à demander pardon aux Africains de la Diaspora. Citons-le ici plutôt : “Il s’agit pour l’Afrique de prendre sa part de responsabilité dans la traite négrière car, pendant longtemps, nous avons accusé l’Occident, l’Europe, or, les recherches ont démontré que nos parents ont été complices et co-acteurs de ce crime contre l’humanité. Il s’agit donc pour tous les pays africains qui ont connu la traite d’assumer leur part de responsabilité ». Afrocentricity International a l’obligation de s’insurger contre un tel revisionnisme qui tend à disculper l’Occident, à rendre caduque toute demande de réparations, et à faire des victimes des bourreaux complices. Qu’il soit rappelé simplement, ainsi qu’Éric Williams l’avait fort bien dit, que “La Traite Negrière était une entreprise commerciale européenne menée pour satisfaire les intérêts de l’Europe.” Aucun des bateaux qui emporta des Africains vers les Amériques ne fut jamais affrète par des Africains. Aussi les membres et sympathisants Africains de la Diaspora de notre organisation, déclarent solennellement, qu’ils ne souhaitent recevoir aucune excuse de la part de leurs frères et sœurs du Continent car ces excuses n’ont aucun lieu d’être. Nous savons qui sont nos ennemis historiques et ne participerons pas à la confusion semée par les propos du ministre ivoirien et de tous ceux et celles qui tentent de noyer le poisson de la criminalité blanche dans l’eau nébuleuse de la soi-disant complicité africaine.
Afrocentricity International regrette également que le gouvernement ivoirien ait choisi de continuer à propager le mythe insultant selon lequel, avant de monter dans le bateau qui allait les emporter à tout jamais loin de leur terre natale, les Africains prenaient un bain “purificateur” dans une mare (plutôt boueuse, ainsi que nous l’avions observé). La purification implique que l’on se prépare pour un état spirituellement élevé, que l’on laisse derrière soi les souillures d’une vie antérieure. C’est pour cela que ceux et celles qui se font initier prennent des bains purificateurs. Dans le cadre de la traite Negrière, nous ne voyons toujours pas en quoi il aurait pu s’agir de purification pour les hommes et les femmes qui allaient littéralement s’engouffrer dans le ventre sordide et infernal de la machine coloniale occidentale – sauf si l’on considère que servir d’esclave aux blancs constitue une promotion ontologique. Le savoir spirituel ancestrale se dégradant sous l’effet de la guerre qu’on lui mène depuis des siècles, nous avions rappelé aux notables du village le principe de la purification dans le « monothéisme ancestral » africain et leur avions demandé d’arrêter de promulguer une idée aussi insultante pour notre mémoire. Il est donc particulièrement regrettable, à nos yeux, que le ministre Bandama ait repris à son compte sans investigation appropriées cette notion. Il est de même regrettable que le symbolisme de la figure de la stèle rendu par l’INSAC (L’école national des arts et de la culture) reflète cette méprise.
Tout ceci diminue considérablement la portée historique, psychologique et culturelle de la pose de cette stèle, et risque de décourager et détourner les Africains de la Diaspora qui attendent toujours que justice leur soit rendue, et que leur vérité soit dite – celle des ignominies sans nom et souffrances sans fin qu’ils ont subies pendant des centaines d’années entre les mains de nos bourreaux blancs, et continuent à subir aujourd’hui encore, entre les mains de la suprématie raciale blanche.
L’Unité est notre But, la Victoire est notre Destinée !
Per-aat Ama Mazama
International Organizer Molefi Kete Asante
13 Juillet 2017